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Palais idéal de Ferdinand Cheval - le rêve de pierre

Ferdinand Cheval s'est libéré grâce à un enfermement volontaire à l'intérieur de son rêve fou. Aucun autre exemple ne me vient à l'esprit d'un homme ayant réalisé une pareille folie. Il faut retourner voir ce Palais Idéal pour comprendre que l'on a peut-être raté le coche de ce que les artistes de la fin du 19e et début 20e siècle annonçaient comme horizon pour l'avenir de l'humanité. Je gage qu'il faut y revenir pour ressentir le poids de notre errance. J'essaie d'imaginer la constance obsessionnelle d'un créateur qui, jour après après, lune après lune comme il l'entend, sans soutien, sans formation, sans culture autre que des cartes postales, quelques imagiers et son imaginaire, réalise son chef-d’œuvre sur 33 années. J'essaie de comprendre l'équilibre qu'un homme du peuple a pu concrétiser entre la nécessaire lucidité sur son projet architectural et l'absolue conviction artistique que l'on comprend d'origine mystique. C'est d'abord les dimensions du palais qui impressionnent. Un homme seul a réellement pu réaliser cela ? Dans son jardin, envers et contre tout : les moqueries, l'incompréhension, la fatigue, les difficultés matérielles, les errances conceptuelles… Ce sont ensuite les thèmes qui interrogent : le voyage immobile, les châteaux en Espagne, la religion, les multiples représentations humaines sans visage ni expression mais en mouvement, la mort, l'opiniâtreté, la fraternité, le questionnement autour des origines. Vient alors la question de l'identification chrétienne : la tentation de Ferdinand Cheval de faire de son palais un mausolée, pour un homme qui eut un déclic spirituel à 33 ans, qui y consacra 33 années de sa vie, qui s'intrique à Dieu dans les multiples phrases ornant l'édifice, qui questionne Adam et Ève… Quid de la prospérité ? Qui oserait aujourd'hui créer une œuvre semblable sans espoir de reconnaissance, de notoriété ou de retour sur capital ? Personne sauf un fou. Or, Ferdinand Cheval n'était certainement pas fou. Il a peut-être été "simplement" poussé par des forces d'acharnement perpétuel et intarissable qui l'ont conduit à inventer ce qu'il avait aperçu une nuit en rêve. Un palais idéal qui serait son labeur et son exutoire, sa créature et son bourreau. C'est un rêve en pierre livré d'abord aux antiques, qui pourrait bien parler à notre époque. C'est d'abord une incompréhension qui conserve, comme toute oeuvre, sa part de mystère. Mais retrouver le chemin du rêve incarné, voilà peut-être de quoi manque cruellement notre temps, même si tout cela a aussi de quoi effrayer. "Plus opiniâtre que moi se mette à l’œuvre". Qui est tenté ? That is the question.

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